Adresse: 126 rue Queen
Période : 1800-1850
Numéro 301 – Stationnement municipal, côté Sud de la rue Queen, entre les rues Bagot et de Montréal et à côté de la construction à l’angle Sud-Ouest des rues Queen et Bagot.
En 1835, des opposants à l’esclavage du comté d’Onondaga, dans l’état de NY, formèrent une société anti-esclavagiste. Convaincant peu à peu d’autres personnes des effets pervers de l’esclavage, leur influence grandit jusqu’à Syracuse qui devint le point central de l’activité abolitionniste de l’état de New York et un point névralgique pour les chemins de fer clandestins.
Vers la fin du mois de Septembre 1839, M. and Mme Davenport du Mississippi vinrent visiter Syracuse accompagnés par une domestique appelée Harriet Powell. Ils s’installèrent à l’hôtel de Syracuse, où il devint de notoriété publique qu’Harriet était retenue comme esclave par le couple.
Elle fut approchée par plusieurs employés de l’hôtel lui offrant leur aide pour s’échapper. Après quelques hésitations, elle décida de s’y risquer, sachant bien qu’elle ne reverrait peut-être jamais sa mère et sa sœur, qui étaient elles-mêmes retenues comme esclaves par les Davenport. La nuit du 7 Octobre, Harriet, porta le chapeau et le manteau d’un homme, fui l’hôtel et s’empressa de monter dans une diligence. En apprenant sa disparition, M. Davenport fit imprimer des affiches offrant 200$ de récompense pour son retour. Ils la décrivirent comme une personne tellement juste qu’elle aurait pu être prise pour une blanche.
Après être passée par plusieurs maisons, elle finit par se retrouver chez Gerrit Smith, le célèbre abolitionniste, dont la maison servait de gare aux chemins de fer clandestins à Peterboro, N.Y. Harriet s’habilla comme une religieuse (Quakeress), et transportée à cheval et diligence au Cap Vincent. Après avoir attendu une journée entière afin que le temps s’améliore, elle put finalement monter sur le ferry, qui la mènera à la liberté, le 29 Octobre 1839. Une fois arrive à Kingston, elle fut accueillie par M. et Mme Charles Hales.
M. Hales était membre de la société missionnaire de l’église méthodiste wesleyenne en 1830 et en 1836 il épousa Elizabeth Charlotte Chettle, fille d’un ministre welsleyen en Angleterre. En 1839, elle travailla bénévolement à la Female Benevolent Society (une des premières sociétés de bienfaisance). Ceci explique probablement comment les Hales se trouvèrent à aider Harriet. (Dans les années 1840, M. Hales était un marchand prospère possédant la Villa-Bellevue sur la rue Centre, les «Chalets Hales» sur la rue King Ouest et le Commercial Mart ou S&R, à l’angle des rues Ontario et Princess.)
Peu après l’arrivée d’Harriet, Charlotte Hales envoya une lettre Gerrit Smith afin de lui rappeler quelques détails.
Kingston
Le 2 janvier 1840,
Cher monsieur,
Même si vous ne me connaissez pas, je ne pense pas avoir à m’excuser de vous écrire. Harriet Powell habite avec moi depuis son arrive à Kingston. Elle est plus impatiente d’avoir des nouvelles de sa mère et sa sœur, et elle souhaiterait que vous écriviez particulièrement à sa mère. Si vous pouviez obtenir quelques informations à leurs égards et les transmettre à Harriet, cette pauvre fille vous en serait très reconnaissante. Elle a bien reçu votre lettre du 6 décembre pour laquelle elle vous remercie vivement. Elle me charge de vous dire qu’elle est très contente et très à l’aise dans sa situation actuelle. Je lui enseigne l’écriture et si elle continue avec lui je l’initierais à la lecture.
Je trouve que c’est une jeune fille avec de bons principes moraux, mais elle est un peu étrangère aux choses ayant attrait à la liberté.
Je suis heureux de dire qu’elle semble prête à recevoir une instruction et comme elle bénéficie aujourd’hui de nombreux privilèges religieux je suis convaincue qu’elle sera vraiment convertie à Dieu. Nous avons eu vent à maintes reprises de la volonté de M. Davenport à la récupérer. Nous avons aussi compris que des hommes furent embauchés pour la kidnapper. J’ai du mal à croire que ceci est vrai, mais nous préférons nous mettre sur nos gardes et ne pas lui permettre de sortir sans protection. Harriet me prie de vous envoyer tout son amour à vous, M. Smith et à Laura, ainsi qu’à n’importe lequel de ses bons amis que vous croiserez. Elle souhaite que je vous dise à quel point elle est reconnaissante de la bienveillance que vous démontrez en l’aidant à obtenir sa liberté. Elle constate de grandes différences entre ici et le Mississipi mais elle pense pouvoir s’y plaire. Harriet dit qu’elle n’a pas le désir d’y retourner et aussi longtemps que ce sera le cas, nous sommes déterminés à la protéger. J’espère que vous aurez la gentillesse d’écrire à Harriet dès que vous pourrez obtenir toute information satisfaisante.
Je vous envoie mes meilleurs vœux pour la réussite de votre travail de votre charité.
Veuillez agréer, cher Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs.
Charlotte Hales.
Très peu de temps après que cette lettre ait été écrite, Harriet épousa le musicien Henry Kelly, le 23 Avril 1840. Le journal abolitionniste «L’Ami de l’Homme» (Friend of Man) commenta l’heureux événement: «M. Kelly est un homme de couleur respectable, avec une bonne situation financière et sa femme est devenue célèbre en quelques mois, connue comme «la dame blanche fugitive», qui a eu la chance d’échapper aux griffes d’un propriétaire d’esclaves nommé Davenport, à Syracuse, l’automne dernier.»
Leur premier enfant, William Henry Kelly, naquit le 21 April 1841, suivi de cinq frères et deux sœurs. Edward, le cadet, naquit le 28 March 1856. Trois de leurs enfants moururent très jeunes. De 1849 à 1866, les rapports d’évaluation indiquèrent que la famille louait une propriété (Numéro 301) de Jane Cox sur la rue Queen. (Le plan de la ville de Kingston de 1850 dessiné par Gibbs montre un petit bâtiment à l’emplacement 301 qui n’aurait occupé qu’une partie de ce qui est maintenant un stationnement municipal à l’Ouest de l’édifice actuel, à l’angle Sud-Ouest des rues Queen et Bagot.) Bien que la famille Kelly semblait, pour l’essentiel, mener une vie paisible et normale, l’année 1854 aurait mieux fait d’être oubliée. Leur sixième enfant, Henry, mourut le 26 juillet à l’âge de deux ans et sept mois, puis vint le tour de leur septième enfant, Harriet Eliza, le 11 août à l’âge de six mois. Ces tragédies fur très vite suivies par ce qui a dû être une nuit de pure terreur. Le vendredi 10 novembre 1854, vers 23h00, un incendie se déclara dans un petit bâtiment à l’arrière des magasins Chequered, à l’angle des rues Princess et Bagot. Attisés par des vents forts, le feu se propagea rapidement à travers la range de bâtiments de bois, et les cendres s’élevèrent aussi haut que le toit de l’église Saint-Paul, en diagonale de la rue Queen, en face de la résidence des Kelly. Il est peu probable qu’ils aient décrit l’incendie de l’église dans les mêmes termes que le journaliste qui en fut témoin – «Le vent balayait redoutablement les allées enflammées, le bois massif de la toiture et les étages supérieurs s’écroulaient sur des piles de bois brûlantes ou tourbillonnaient en s’embrasant dans les forts et rapides courants d’air; les éléments réunis rugissaient et soupiraient comme un millier de fours poussés à pleine puissance…». Un tiers du bloc où ils vécurent, l’Église et la moitié du bloc délimité par les rues Queen et Barrack, ainsi que Wellington et King, furent consommés.
Harriet mourut à l’âge de 45 ans le 8 février 1860 d’après les registres de la paroisse St Paul à Kingston. Henry mourut à Bowmanville le 14 Mars 1874. Il rejoignit sa femme au cimetière Cataraqui, où ils furent enterrés sur le flanc d’une colline, sous un grand érable. La pierre tombale dit qu’elle mourut le 5 février 1859 à l’âge de 40 ans, ce qui ne correspond pas aux registres de l’Église.
WILLIAM «JERRY» HENRY – Un autre fugitif de Syracuse
William «Jerry» Henry, comme Harriet Powell, fut un célèbre esclave fugitif de Syracuse. Tous deux reçurent de l’aide pour fuir vers la liberté, à Kingston. Après avoir fui une vie d’esclavage dans le sud, il travaillait comme un tonnelier à Syracuse dans l’État de New York. Le 1er Octobre 1851, en vertu de la Loi sur les esclaves fugitifs, il fut saisit sur son lieu de travail et emmené devant un juge. Par pure coïncidence, une convention du Parti de la liberté contre l’esclavage se tenait à Syracuse. Très vite des abolitionnistes locaux et les membres de la convention convergèrent au bureau du commissaire, où il était détenu. Après avoir défoncé les portes et les fenêtres, la foule nombreuse contraignit la police à leur rendre «Jerry». Il fut caché quelques jours dans la ville avant de traverser clandestinement le lac Ontario, dans une goélette britannique, vers Kingston. Accueilli par Joseph George, un ami des esclaves, il commença très vite à travailler pour M. Chester Hatch, un célèbre fabricant de chaise à Kingston de 1817 à 1857. Dans les rapports d’évaluation du comté de St Laurent de 1853, «Jerry» est répertorié juste en dessous de M. Hatch et tous deux sont catégorisés comme fabricant de chaises. William Henry mourut à Kingston le 8 Octobre 1853. Sa célèbre évasion est connue sous le nom de «Jerry Rescue» (le sauvetage de Jerry) et un grand monument commémore l’événement à Syracuse.